Résumé Un groupe d'hommes et de
femmes a dû quitter la ville de Londres à la suite d'une épidémie de
peste. Ils se retrouvent de campement en campement. Chaque jour les
premiers arrivés, ceux qui possèdent des biens, essayent d'empêcher les
autres, les moins favorisés, d'entrer dans le campement, de les maintenir
à l'extérieur. Finalement, un campement où chacun trouve sa place,
s'installe. Instant de paix provisoire avant que les intérêts personnels
et les individualismes ne reprennent le dessus. Ainsi, ce soir-là
encore ils auront échoué dans leur tentative de créer un société nouvelle
plus juste, mais ils ne renonceront pas dans leur quête d'humanité :
demain ils recommenceront. Travail autour
de la pièce * Jean-Luc Lagarce - sa
biographie - son œuvre - son écriture, travail sur le rythme des
phrases et des séquences - travail possible sur certaines séquences en
référence aux différents thèmes de la pièce Site "l'année(…)Lagarce" :
http://www.lagarce.net *
Travail sur l'œuvre de Daniel Defoe (1660-1731) - l'écrivain considéré
comme le premier journaliste - "Robinson Crusoe", d'après le nom du
personnage devenu le symbole de l'étranger à toute société et en même
temps de celui qui a reconstruit une société loin de toute
civilisation - "Moll Flanders", d'après le personnage de la prostituée
qui a épousé toutes les classes sociales avec une volonté de vivre
indestructible - "Le journal de l'année de la peste", récit en forme de
reportage sur un événement que Daniel Defoe n'a pas vraiment vécu -il
n'avait que quatre ans à l'époque de la Grande Peste * Références à l'histoire de Londres - La Grande Peste
1664-65 - Le Grand Feu de Londres 1666 - La guerre contre les
Hollandais - La prison de Newgate *
Thèmes présents dans la pièce - l'exclusion (l'étranger, le
malade) - l'individualisme - la solidarité, le partage,
l'entraide - le SIDA - l'émigrant - les campements
* La peste à travers l'Histoire - les
épidémies de peste et leurs conséquences - la peste et la peur - la
peste en tant que métaphore du mal - le mythe de la
peste Des documents complémentaires
peuvent être fournis par la compagnie. |
Mise en scène
Éliane
MORIN |
Critiques
Par Laurence Gauthier - 17 novembre
2005 C'est lors d'un soir de
couvre-feu imposé par un maire de banlieue que j'ai découvert, dans une
petite salle de MJC , Vagues souvenirs de l'année de la peste, pièce de
Jean-Luc Lagarce, montée, avec intelligence et sobriété, par la troupe des
Trois Clous. Des femmes, des hommes, pauvres échantillons d'humanité
égarés, fuient une " peste " peut-être imaginaire…et tentent de survivre
dans un campement nécessairement transitoire, rétréci à l'aune de leurs
peurs et de leurs fantasmes, rejetant sur l'Autre frustrations et
angoisses… ` Pur plaisir de voir cette troupe incarner les personnages
de Lagarce en leur donnant chair à partir d'un texte périlleux fait de
longues phrases sinueuses, souvent inachevées, suivant les méandres de la
pensée humaine mise à nu face à l'autre…et à soi-même. Le dispositif
scénique est réduit jusqu'à l'épure : " corde "-terme tabou dans l'univers
théâtral mais quel autre terme serait adéquat ?- cordon sanitaire-
délimitant un cercle dans lequel se réfugient les personnages,
matérialisant une quarantaine volontaire, partant, l'exclusion de l'autre
vécu comme une menace. Le tableau final donne à voir, à la lumière
vacillante de bougies, l'accumulation d'objets, dentelles, cadres de
photos , miroirs… témoignages d'une humanité qui, dans l'irruption du
silence, se raccroche aux pauvres souvenirs d'une vie avant de
sombrer.
(Laurence Gauthier est professeur, agrégée de Lettres
et responsable d'une option-théâtre) |
|
Article du Républicain
|
|
Par Michel Soubiran - 21 novembre
2005
Le mot "peste" évoque presque toujours trois
images : le compagnonnage des hommes et des rats ; la transgression des
interdits et la chance des survivants. Le noir de la nuit bien sûr, mais
aussi le rouge de l'enfer et les lueurs pâles de l'espoir. Trois limites
aussi : celle de l'humanité et de la bestialité ; de la liberté et de la
loi ; de "l'approbation de la vie jusque dans la mort" (Nietzsche). Et
trois questions enfin : l'homme singera-t-il le rat, une fois encore, ou
réussira-t-il à se dépasser ? La liberté se perdra-t-elle encore dans son
narcissisme ou acceptera-t-elle d'enfanter à nouveau une raison ? Et
l'amour sera-t-il plus fort que la mort ? La pièce de
Jean-Luc Lagarce, "Vagues souvenirs de l'année de la peste", place son
observatoire à ce point de métastabilité où la conscience, la vie et le
monde peuvent "prendre"comme un feu ou "tourner" comme le lait
: - Huit personnages, rescapés de
l'épidémie et de l'exode ; "huit", si on veut, si on accepte
l'arithmétique qui simplifie les relations complexes que la pièce décline
en géométries variables ; - Dans l'espace-temps de l'imminence :
quelque chose peut finir ; autre chose commencer ; mais aussi bien peuvent
recommencer les mêmes choses parce que "la mort reprend à son compte les
choix fondamentaux de la vie". - Il y a un an, peut-être après la
grande peste de Londres de 1665 ou trois siècles après la publication de A
Journal of the plague year de Daniel Defoe (1722) ; à moins que ce ne soit
aujourd'hui où, après les trois grandes pestes de notre histoire (VIème,
XIVème et XIXème siècles) on considère que "le déclin de la peste
s'accélère depuis plusieurs décennies, et, sauf en cas de guerre ou de
calamité, le risque de pandémie est écarté ; cependant, le caractère
permanent de la maladie chez les rongeurs sauvages dans un très grand
nombre de foyers naturels …"(Encyclopedia universalis)
Le
parti-pris d'Eliane Morin et de la compagnie des Trois Clous est de ne
rien gommer de cette géométrie de l'imminence et de l'ambiguïté. Comme
toujours et dans tous les arts, la facilité ici aurait été de raconter :
un objectif, un ennemi, un allié et un héros. Or, même si elle ne la
facilite pas, la pièce de Lagarce n'interdit pas cette option : en quoi
elle est particulièrement dangereuse ? "C'est ici que tout a pris fin…"
suggère comme en passant le texte de Lagarce. Rien n'empêche en effet de
faire de l'Homme au livre une sorte de puissance transcendante, du couple
Forster un repoussoir de bêtise et d'égoïsme, de la prostituée Molly, une
P. au grand cœur, de la jeune veuve enceinte une lumière d'espoir, de la
nourrice et de la fillette une image de la solidarité et de Robinson
Kreutznaer, last but not least, le héros d'une Odyssée
ordinaire. Eliane Morin, pour sa part,
sans la rejeter, s'est interdit cette facilité : elle a cherché dans le
texte de Jean-Luc Lagarce, non les pleins narratifs mais les déliés
interrogatifs ; non pas les ficelles dramatiques mais les lignes d'horizon
et les spirales éthiques ; non les mots jokers mais les points de
suspension (dont le texte est constellé). Ainsi l'Homme au livre ne
perd-il jamais son ambivalence et son livre ne se découvre à aucun moment
: est-ce Moïse et la Bible ? Est-ce Defoe et une Bible insulaire
britannique ? Ou quelque prêcheur à la langue de bois-papier ? Ainsi
encore le couple Forster oscille-t-il entre silence et cynisme ; Molly
entre la vengeance et le sexe, la jeune femme entre le passé d'amour et le
calcul froid pour l'avenir ; l'enfant même et sa nourrice entre l'art qui
réchauffe et le moralisme qui rejette ; ainsi enfin Robinson reste-t-il en
suspens dans on ne sait trop quel no man's land … A bien y réfléchir, c'est peut-être, sinon la compréhension
philosophique, du moins la mise en évidence scénique et orchestrale de ce
no man's land qui constitue l'objectif de l'interprétation de la Compagnie
des Trois Clous. Il y a d'un côté, disons, toutes ces îles, ces îles
d'îles si bien mises en lumière par la mise en scène, que chaque homme
sécrète indéfiniment comme une coquille pour protéger son identité, son
nom, sa noblesse. Chacun peut, nous le savons, à chaque moment choisir cet
enfermement pour se mettre à l'abri de l'impureté, de la contamination de
l'étranger, du "rat". D'un autre côté, il y a la Peste, omniprésente,
toujours en passe de franchir les murailles les plus hautes, fût-ce celles
de Londres qu'on entrevoit au loin : ne seraient-ce pas encore des bûchers
de cadavres, des charniers, demande l'Homme…? D'un côté la logique du bon
sens apparent des Forster : "Si la Peste avait été là avant [que les
étrangers ne nous contaminent] elle se serait répandue, et elle nous
aurait atteints…" De l'autre cette évidence à souligner de rouge, comme
l'âme des cordages de la marine anglaise, comme cette corde rouge sur la
scène, que toutes ces îles baignent dans la même mer. Malgré le cantique
amorcé par l'Homme, "Dieu ne peut pas être, pas seulement en tout cas, un
refuge et une citadelle." En fait, le
metteur en scène trace devant nous les trajectoires de ces particules qui
ne sont pas fatalement élémentaires même si leurs croisements et
recoupements sémaphoriques semblent relever le plus souvent du hasard plus
que d'une Harmonie monadologique à la manière de Leibniz : "Dieu ou le
hasard, on ne sait plus très bien…" Les derniers mots de la pièce
eux-mêmes n'échappent pas à la mise en question : "s'entretuent", dit dans
le noir par la petite fille, est le dernier mot. Mais il n'y a, ici comme
ailleurs, pas vraiment de dernier mot : "Je n'en suis pas certaine … je
crois qu'ils s'endorment, ou bien qu'ils se battent …" Dans no man's land,
il y a encore une chance pour l'homme. Ah, ces points de
suspension… "Le théâtre, comme la peste,
est à l'image de ce carnage, de cette essentielle séparation. Il dénonce
des conflits, il dégage des forces, il déclenche des possibilités, et si
ces possibilités et ces forces sont noires, c'est la faute non pas de la
peste ou du théâtre, mais de la vie. Et de même que la peste, le théâtre
est fait pour vider collectivement des abcès ". A sa manière, Eliane
Morin maintient le lien avec l'idéal qu'Antonin Arthaud fixait dans ces
lignes, pour le nouveau théâtre dans Le théâtre et son double. Mais, à sa
manière, moins cathartique et prophylactique que dramatique et critique :
moins pour "l'abcès vidé" que les "possibilités déclenchées".
Dans le noir, en effet, écoutez, la musique que joue la
fillette se survit … Le pire n'est pas certain. (Michel
Soubiran est professeur agrégé de philosophie, il a travaillé avec Patrick
Haggiag et écrit des articles dans Le Monde) |
|
|
|
Par Michèle Asia - 20 novembre 2005
La troupe Les Trois Clous nous propose la
pièce d'un auteur trop tôt disparu, Jean-Luc Lagarce : Vagues souvenirs de
l'année de la peste. De la peste nous ne verrons rien, nous n'entendrons
rien si ce n'est le récit de ceux qui l'ont fuie. Ni râles ni cris ni
corps agonisants ni masques noirs. Traversant la salle les uns après les
autres pour rejoindre la scène, les personnages surgissent devant nous et
se tenant à distance les uns des autres comme les chevaux sur un manège
font un tour de piste et disparaissent. L'image de l'exode s'impose, oui,
c'est cela qui va nous être raconté. Image d'autant plus forte qu'elle en
réveille une autre : ces hommes et ces femmes vêtus de manteaux, portant
ou traînant des valises, explorant la scène où ils vont revenir jouer
c'est - fugitive évocation du voyage des comédiens : Fracasse et sa
troupe, Molière et son Illustre Théâtre - peuple vagabond, fragile
communauté constituée au gré des désirs et des engagements. Ici pas de
communauté d'élection. Seule la nécessité les a réunis. Fuir la peste
donc. Peu à peu un soupçon nous gagne. Pourtant rien de plus familier que
le début du spectacle : du prologue un homme est resté sur scène, il sort
un carnet. Figure rassurante du chroniqueur conduisant un récit que
viendront habiter les autres personnages. C'est la dernière nuit, loin de
chez eux. La nouvelle de la fin de la peste est parvenue. Ils s'apprêtent
à rentrer. La ville n'est pas loin. On aperçoit ses lumières. Alors
pourquoi ce sentiment de doute ? Mis en confiance par ce dispositif
rassurant, nous serions-nous laissés distraire, notre écoute s'est-elle
relâchée ? Le réel se dérobe. Est-ce vraiment la dernière nuit ? Le but
est-il si proche ? Que vont-ils retrouver ? A qui se fier ? Nous
redoublons d'attention. Un vertige nous prend. Notre vigilance n'est pas
en cause. Le texte est piégé, le sol instable, miné. L'auteur utilise un
dispositif qu'il va subtilement dérégler : non seulement le temps utilisé
pour le récit oscille entre présent et passé mais imprécisions, souvenirs
vacillants, doutes, s'y glissent. La position du conteur s'en trouve
ébranlée et son statut même sera mis en cause lorsqu'il s'adressera aux
autres devenant lui aussi personnage. Dans ce jeu avec le réel, rien de
gratuit. En s'affranchissant de la vérité historique, en bouleversant la
chronologie, en renonçant aux situations attendues, l'auteur fait naître
une parole libérée, mue par la pulsion. Dans ce temps immobile, tenant
lieu d'action : des mots. Paroles profuses pour les possédants, pour les
autres, protestations de leur droit à l'existence. Évocation sans fin des
adieux à ce qu'on a chéri : objets ou amant. Les phrases s'enroulent, se
chevauchent, s'aventurent. Litanie consolante, une sorte de maladie de la
parole. Symptôme et guérison à la fois. Sur le plateau nu, une corde
rouge dessine un espace clos circulaire. Les premiers à y pénétrer : un
couple. Plus encore que par leur encombrant bagage et leur vêtement
opulent c'est par la manière d'envahir l'espace sonore ou plutôt de le
saturer qu'ils s'imposent. A la façon de duettistes au numéro bien rôdé,
ils se relayent dépliant à l'infini le thème de l'adieu aux meubles,
reconstituant par les mots tout ce qu'ils ont dû quitter. Ressassement
obsessionnel, répétition lancinante, raisonnement absurde, muraille de son
contre le monde hostile. Parole prophylactique. Tant qu'ils la font durer
ils sont sauvés. Bouffons burlesques et pathétiques, reflets de nos
travers ils nous font rire autant sur eux que sur nous-mêmes. D'autorité
ils sont rentrés dans le cercle. Ils s'y dressent soudés, massifs comme
une île hors d'atteinte au pied de laquelle viennent battre les paroles
des autres survivants. Désormais chaque nouveau décline son identité,
raconte son histoire. Récit, apostrophe, supplique, provocation, pour se
faire admettre chacun y va de son sésame, de sa stratégie : se montrer
humble, susciter la compassion, flatter, ruser, tisser des alliances. De
part et d'autre de la frontière s'établit un dialogue où ceux qui sont
parvenus à l'intérieur se font les juges de ceux qui aspirent à les
rejoindre. C'est une guerre de position où les installés se résignent à
lâcher du terrain. Le campement se constitue peu à peu. Chacun sort
quelques objets de son bagage et les place autour de soi. Les espaces
ainsi créés se chevauchent. Par nécessité les corps se
rapprochent. Image saisissante, énigmatique. Qu'est-ce qui prend forme
devant nous ? Un groupe d'humains se serre à l'intérieur d'une corde.
Quelle force les tient ainsi réunis sous cette protection dérisoire ? La
peur de la peste ? La crainte de la contagion ne devrait-elle pas au
contraire les tenir éloignés les uns des autres. Pourrait-il y avoir un
risque plus grand encore ? Ce qui s'impose à nous ce n'est pas tant la
perception d'un camp retranché au milieu d'un dehors plein de danger que
le vide sans limite tout autour. Un dehors déserté de toute présence
humaine. Ils sont tous réunis. Il leur a fallu crier leur nom, supplier
qu'on les attende, se forcer une place. Défait le lien qui les enserre,
libérés du tropisme qui les a agglutinés, que resterait-il ? En convoquant
la peste, en créant un monde écho du nôtre, Lagarce met à l'épreuve notre
capacité à faire du lien. Ici ça ne prend pas. Celui qui en arrivant a
prononcé son nom, il aura beau le répéter, jamais il ne s'entendra nommer
en retour. Celles qui ont obtenu qu'on les attende pour ne pas se perdre
ne manifesteront aucune sympathie à l'égard des autres. Bien vite les
débuts de dialogue tournent à la dispute puis s'éteignent pour être
remplacés par de nouveaux monologues. Parler, se tenir serrés dans le
cercle. En dehors " le fond du fossé qui vous attend pour un sommeil
solitaire ou peut-être la mort ". Peur lancinante, crainte répétée. En
inscrivant les corps dans cet espace clos, le travail de la mise en scène
et de la construction de l'espace rend sensible ce dehors. Avec une
économie de moyens radicale, il ouvre le champ des significations qu'il
nous faut déplier : un néant qui aspire, trou sans fond, bascule dans le
rien. En divisant l'espace, en matérialisant le bord, la mise en scène
d'Éliane Morin interroge cette frontière ténue, donne un sens à la quête
des personnages. Rechercher l'autre, sa présence pour faire écho à sa
propre voix, l'autre comme miroir qui rassure. Ils n'attendent rien de
plus, n'imaginent même pas que d'autres liens existent. Juste confirmer
son appartenance à l'espèce humaine. En être ou tomber hors du monde.
L'effroi d'un corps exposé, sans défense, seul, à même le sol plus encore
que la mort. Rien d'austère cependant. Les huit comédiens donnent vie
avec une belle énergie à cette collection d'humains. Rien d'abstrait non
plus, il faut les voir marquer leur portion de territoire, se construire
un foyer de fortune, s'inventer à la vue de tous un semblant d'intimité,
contre vents et marées maintenir distances et bonnes manières. Jouer le
jeu de la normalité. Perpétuation maniaque d'un temps d'avant le
fléau. Dernière image : des corps serrés et pourtant séparés, en
attente, silencieux, immobiles, reflet de notre position face à eux.
Autour, ce qui n'a pas de nom. Devant : le plein, le vide ; entre les deux
une tension. Au-delà de la représentation, à nous d'interroger ce bord. Ce
qui nous tient séparés et fragiles. L'attente de l'autre, peur et espoir
mêlés. L'autre à la fois inquiétude et secours. Ouvrir, avancer, toucher.
Risquer le pas, le chemin hasardeux. Une utopie lointaine. Y croire malgré
tout…
(Michèle Asia est diplômée de
l'Institut d'Études Théâtrales et auteur de fictions) |
|
|
|
|
|
À propos de la pièce
Vagues souvenirs de l'année de la peste de Jean-Luc Lagarce est une
histoire de quête. Des hommes et des femmes ont quitté une ville de
Londres fantasmatique, envahie par la peste. La peste n'a peut-être
jamais existé réellement dans la ville mais elle a existé dans les
esprits. Ils sont donc partis pour fuir cette maladie contagieuse et
mortelle. Chaque jour ils se sont arrêtés pour construire un campement,
pour tenter de créer une société humaine où chacun aurait sa place,
pourrait vivre et être reconnu par les autres. Échec répété chaque jour
car l'individualisme est notre peste originelle. Dieu, le hasard ou la
science ne fournissent pas de réponse. Quête inlassable de l'humanité
depuis son origine, échec jamais définitif.
Texte de la parole, Vagues souvenirs de l'année de la peste nous dit
qu'"au commencement était le Verbe". La parole est acte et vie. Aussi
longtemps que les hommes disent leur vie, elle existe. S'ils cessent de
parler, elle finit. La scène de la vie fait alors
silence.
Éliane MORIN Metteur en scène |
À propos de la pièce
encore
Ils fuient la mort donc la vie. La peste,
c'est la mort inéluctablement liée à la vie. Ils sont condamnés à se
fuir eux-mêmes, à se quitter pour pouvoir rester eux-mêmes, garder ce
qu'ils ont " patiemment acquis ". Toute la pièce est une fuite en avant
d'un raisonnement à l'infini, logique imparable, en apparence, érigée
comme un mur entre la peste et eux, logique qui, si elle cesse de dérouler
son raisonnement, les livrera à la mort. Il faut donc parler, parler
encore, sous peine de mort. Tant qu'il y a discours, et lutte pour
imposer son discours contre celui des autres et donc les autres, il y a
l'espoir d'échapper à la peste (" on dit qu'elle y est encore "). Ils
sont anéantis par l'impossibilité de résoudre la contradiction entre être
partis de la ville de Londres et y revenir. La pièce cesse avec la fin
du discours, le renoncement à parler, jusqu'à ce que la re-présentation
d'eux-mêmes, de nous-mêmes, recommence.
Évelyne Morin
|
Jean-Luc Lagarce
1957 |
Il naît à Héricourt en Haute-Saône. |
1975 |
Il s'installe à Besançon. Il poursuit parallèlement des
études de philosophie et les cours du Conservatoire d'art dramatique
régional. |
1978 |
Il crée une compagnie amateur La Roulotte, réalise ses premières
mises en scène et commence à écrire.
|
1979 |
Le théâtre de la Roulotte devient une compagnie
professionnelle. |
1982 |
Une de ses pièces est montée au Petit Odéon. |
1986 |
Il apprend sa séropositivité. |
1992 |
Il décède au cours des répétitions de
Lula. |
Œuvres Théâtre La bonne
de chez Ducatel 1977 Erreur de construction 1977 Carthage encore
1978 La place de l'autre 1979 Voyage de Madame Knipper vers la
Prusse orientale 1980 Ici ou ailleurs 1981 Les Serviteurs
1981 Noce 1982 Vagues souvenirs de l'année de la peste
1982 Hollywood 1983 Histoires d'amour (repérages) 1983 Retour à
la citadelle 1984 Les orphelins 1984 De Saxe, roman 1985 Sans
titre 1, janvier 1986 La photographie 1986 Derniers remords avant
l'oubli 1987 Music-hall 1988 Les prétendants 1989 Juste la fin du
monde 1990 Histoire d'amour (derniers chapitres) 1990 Les règles du
savoir-vivre dans la société moderne 1993 Nous, les héros 1993 Nous,
les héros (2ème version sans le père) 1993 J'étais dans ma maison et
j'attendais que la pluie vienne 1994 Le pays lointain
1995 Récits L'apprentissage 2001 Le bain 2001 Le
voyage à la Haye 1997 Livret Don quichotte
1989 Scénario Retour à l'automne
1992 Divers Du luxe et de l'impuissance
1991-1995 |
Distribution
VAGUES SOUVENIRS DE L'ANNÉE DE LA
PESTE
Texte : Jean-Luc LAGARCE
Mise en scène et
scénographie : Éliane MORIN
Costumes : Évelyne MORIN
Affiche : Éliane MORIN et Michel TRAPP
Régie son et lumière : Marie FEZANS
Distribution :
L’HOMME (Daniel Defoe ?) |
Patrick GEYRE |
MADAME FORSTER |
Évelyne MORIN |
MONSIEUR FORSTER |
Bernard LÉPINE |
LA JEUNE FEMME |
Éliane MORIN |
ROBINSON
KREUTZNAER |
Michel TRAPP |
LA NOURRICE |
Florence
ZIEGELBAUM |
LA FILLETTE |
Marie-France
SALAS |
MOLLY |
Cécile
TAILLARDANT |
Le texte est publié aux
Éditions Les Solitaires
Intempestifs.
|
|